chaka
Il y a exactement 50 ans, un grand monsieur écrivait ceci:
Mon calvaire.
Je voyais dans un songe tous les pays aux quatre coins de l’horizon soumis à la règle, à l’équerre et au compas, Les forêts fauchées les collines anéanties, vallons et fleuves dans les fers.
Je voyais les pays aux quatre coins de l’horizon sous la grille tracée par les doubles routes de fer. Je voyais les peuples du Sud comme une fourmilière de silence Au travail.
Le travail est saint, le travail n’est plus le geste, Le tam-tam ni la voix ne rythment plus les gestes des saisons.
Peuples du Sud dans les chantiers, les ports les mines les manufactures Et le soir ségrégés dans les kraals de la misère.
Et les peuples entassent des montagnes d’or noir d’or rouge
Et ils crèvent de faim.
Et je vis un matin, sortant de la brume de l’aube, la forêt des têtes laineuses,
Les bras fanés le ventre cave, des yeux et des lèvres immenses appelant un dieu impossible.
Pouvais- je rester sourd à tant de souffrances bafouées ?
Léopold Sédar SENGHOR, Ethiopiques (1958)
Grand poète, et ... président noir, aussi!